La famille Hennebert : de gauche à droite : Grégoire, Alexis, Raymond (père), Paul, Julie, Marie (mère) et Colette. Photo prise par le photographe René Huart dans le jardin à Mons (Grand rue). La photo daterait de 1944.

AU CROISEMENT DES FAMILLES

Le père de Grégoire, Raymond Hennebert, cherchait un moyen de guérir ses patients de la tuberculose. Il a entendu parlé d’un sérum par quelqu’un qui l’a introduit au Dr Charles Cuvelier, le père de Paul Cuvelier, qui en connaissait l’auteur [1]. Ils se sont alors rencontrés dans l’immédiat après-guerre. Grégoire avait 15-16 ans. Les conversations entre les deux docteurs étaient, à son souvenir, essentiellement professionnelles. Le Dr.Hennebert avait comme spécialités les nez-gorge-oreilles et la radiologie, mais avec la guerre il était aussi devenu généraliste. De son côté, le Dr.Cuvelier était généraliste avec comme spécialité la gynécologie. Leur entente était renforcée du fait qu’ils étaient tous deux bons catholiques. Alors que Charles avait été témoin d’une guérison à Lourdes, « Mon père a été mandé dans la commission médicale d’évaluation des visions des enfants de Beauraing dans les Ardennes. Il a été témoin des enfants en extase lors de vision, et en a testé les réflexes pendant et après les visions et a conclu à l’authenticité du phénomène ».

 

 

 

cheval...

« Son talent, c’était les chevaux! »

Les Cuvelier invitaient les Hennebert le samedi après l’école, Lens étant sur leur chemin vers la maison des Wallez, à Hacquegnies. La femme de Charles Cuvelier, Louise, était très positive, très chaleureuse. Elle les accueillait pour le goûter avec des « tartes merveilleuses ». Les enfants s’occupent ensemble par affinités d’âges. Grégoire s’oriente plutôt vers Amédée, Michel et Paul. Il se souvient très bien des dessins du jeune artiste, surtout des dessins de chevaux. Les dessins étaient partout dans la maison. Sa mère était très fière de son fils, elle l’a poussé à persévérer. Corentin ressemblait alors à Amédée avec ses cheveux blonds en broussaille. Paul avait le même âge que sa sœur Colette et il s’entendait bien avec elle. Au mariage de Colette avec Julien Roy, Paul lui a offert une toile représentant la campagne avec une ferme et des vaches. Le grand frère de Grégoire, qui s’appelait aussi Paul avait l’âge de l’aîné des Cuvelier, Raphaël, et étudiait comme lui la médecine à Louvain. Anne-Marie ne participait pas aux jeux, elle aidait sa maman.

La famille Wallez : de gauche à droite : Louis, Marie, Norbert, Julie (petite en bas), Laurence (mère) et Alexis (père). La photo daterait de 1910

La femme du docteur Hennebert, Marie Wallez, très douée en peinture, était la jeune sœur de Norbert Wallez, qui fut un temps à la tête du journal « Le XXième Siècle ». Le père de famille, Alexis Wallez avait été un fermier industrieux, qui créa une usine à chicorée et une laiterie et fut bourgmestre de Hacquegnies. Il a eu Norbert comme seul fils et trois filles : Louise, Julie, et Marie, la mère de Grégoire. L’abbé Wallez était politique de nature, comme son père. Ce dernier avait pavé les chemins et remodelé le plan de sa commune. Norbert avait été professeur au Collège de Bonne Espérance, dit « le Petit Séminaire » près de Tournai, où Raymond Hennebert a fait ses humanités. Ensuite l’Abbé Wallez fut nommé à la tête du XXième Siècle. Dans les années 20, il engagea Georges Remi comme aide secrétaire : « il collait les timbres sur les bandes d’envoi des journaux pour la poste» et passait ses moments libres à dessiner le personnel. Pour mettre à contribution son talent de dessinateur, l’Abbé Wallez créa “le Petit Vingtième” dont il confia la direction à R.G.

En 1934, la hiérarchie ecclésiastique, sous la pression d’antagonismes, le nomma à l’abbaye d’Aulne, aumônier de l’hospice pour vieux, ainsi que curé de la paroisse. C’était un bonheur pour la famille Hennebert de retrouver chaque année l’Abbé Wallez à l’Abbaye d’Aulne et parfois d’y rencontrer Hergé. C’est ainsi que vint le projet de faire rencontrer Paul Cuvelier et Hergé par l’entremise de Paul Hennebert [2], ce qui fut accepté avec plaisir.

Le frère de Grégoire Hennebert, Paul, a écrit à Hergé pour faciliter les premières rencontres avec Paul Cuvelier.

Il est certain que Hergé, à la vue des dessins de Paul Cuvelier fut émerveillé: « vous êtes un véritable artiste, c’est à vous de me donner des conseils!» . Selon Grégoire : « c’est sans doute le détail du dessin, le lavis et les aquarelles de Paul qui l’ont bouleversé! ». À la vue de la signature « Paul » imprimée sur le Cahier de Dessins publié par la Crypte Tonique : Grégoire remarque « il a une écriture penchée : Paul ne croyait pas en lui et avait tendance à l’insatisfaction ».

Hergé l’avait encouragé à assembler ses dessins en une bande dessinée. Mais le travail de bande dessinée était sans doute perçu par Paul comme trop ardu, peu valorisant. Il n’en aimait pas les cadres, les contraintes. Son art était plus libre. C’était un artiste, attiré par le nu, attiré par le féminin, par la jeunesse, la nudité du cheval, ce qui était naturel pour un jeune homme de vingt ans ! Il était doux, une qualité que l’on trouve plus rarement chez les garçons. Grégoire le perçoit comme « un ado qui est resté quelque part ado ». Il semble avoir souffert du peu de satisfaction qu’il trouvait à son travail de bande dessinée. La bande dessinée devint pour lui une nécessité, un gagne pain. Aussi a-t-il tenté Paris pour s’épanouir plus librement avec Epoxy. Son Corentin Feldoé reste une réelle œuvre d’art pleine de merveilleux, elle nous a tous enchantés

Propos de Grégoire Hennebert [3] recueillis
le 19 octobre 2015 par Philippe Capart.

[1] Il s’agirait du Sérum à base d’ail du Dr.Cuguillère que les sœurs de Charles Cuvelier mettaient en ampoules.

[2] Paul Hennebert est Sorti du Collège des Jésuites de Mons en juillet 1941, il fait ses 2 ans de candidatures en médecine aux Faculté ND de la Paix (Jésuites) à Namur puis la suite des études à Louvain (total 7 années), il est diplômé en 1948 puis fait deux ans de spécialisation en Chirurgie (thèse d’agrégation à l’Enseignement Supérieur sur les greffes d’organes).

[3] Grégoire est devenu, sous les conseils de ses proches, ingénieur agronome: « je voulais étudier la botanique, la famille m’a dit que l’agronomie était plus rentable ». Enfant, il avait amorcé d’énormes collections de plantes et d’insectes, il les dessinait et les identifiait en s’aidait du Larousse. Après ses études, il s’est spécialisé en mycologie : l’étude des champignons.

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