LE PETIT MOGHÔL ILLUSTRÉ
Partie 2 : Une Odyssée Éditoriale

 C’est par un beau jour d’octobre 2011, qu’ayant rendez vous au Centre Belge de la Bande Dessinée, je fais la connaissance de Philippe Capart, jeune éditeur-libraire qui venait d’ouvrir la Crypte Tonique à Bruxelles. Très vite nous parlons de Paul Cuvelier et Philippe évoque son envie de rééditer le premier album de CORENTIN auquel il voue une admiration sans borne. Cela est réciproque et rejoint un souhait de …très…longue date !

   Nous avons les mêmes exigences quant à la qualité de cet album. Il nous faut partir de la première version, celle de 1950 en noir et blanc, pour « contrer » les versions ultérieures du Lombard, celles imprimées avec ces couleurs insipides qui ont calciné les lavis, ces lavis si somptueux qui avaient enchanté mes sept ans !

 L’expo que j’avais organisé à LILLE en 1983 [1] m’avait permis de rencontrer la famille de l’artiste et de nombreux  échanges avaient été l’amorce d’une réelle amitié. Je n’avais pas connu Paul de son vivant mais j’avais eu des contacts avec tous ses frères et sœur, puis plusieurs de ses neveux et nièces. Je savais également que les planches des deux premiers Corentin avaient été jalousement et heureusement préservées. Si nous voulions un CORENTIN tout neuf il nous fallait partir des planches originales. De cela Philippe et moi nous n’en doutions pas !

 Ce projet s’annonçait passionnant mais éditer un album bd est une aventure. Les planches originales, nous pouvions y avoir accès, mais je les savais dans un état inégal. On ne pouvait pas imprimer telles quelles ces planches les unes à la suite des autres, d’autant plus qu’un texte, la plupart du temps en néerlandais, ponctuait les phylactères. De nombreuses cases étaient tachées et le papier à dessin avait viré comme un beau parchemin vieilli par le temps. Un nettoyage s’imposait. Il s’imposait pour le dessin et également pour le texte ! J’ai tout de suite pensé à Benoit, complice de longue date, lui qui avait connu Paul et surtout écrit le scénario de WAPI.

 Il n’était pas question de confier ces planches à un(e) restaurateur(trice) professionnel(le) au vu des coûts. Par contre j’étais « libre » ; j’allais être en retraite (ou pensionné) dans une paire de mois, cela tombait bien. Mais je ne me considérais pas comme une « lumière » dans le monde numérique bien que ma profession m’ait permis d’assister à l’installation et d’utiliser les tout premiers projecteurs du même nom installés en France. Je découvrais l’image numérique sur grand écran, alors qu’elle existait déjà depuis belle lurette chez les particuliers grâce aux DVD.

Je ne m’étais décidé à acquérir mon premier ordinateur qu’en …..décembre 2008 !

Un ordi avec une pomme et une imprimante A3 neuf couleurs…..sur les conseils d’un ami qui, connaissant mes goûts pour le dessin et la photo, m’avait vivement conseillé de « taper » tout de suite dans une certaine gamme pour ne pas avoir de problèmes quant à la qualité du matériel. Un petit logiciel « Photoshop-Élément » m’avait permis ensuite de me « dégrossir » avec mes photos. Courant 2012 j’ai pu profiter de deux séances de formation « Photoshop » et dans la foulée j’achetais le logiciel CS6 alors que nous étions en train de scanner les planches du premier CORENTIN. Fort de ces opportunités je me suis mis aussitôt à la tâche…..pour ôter celles qui dénaturaient ces fameuses planches.

Hugues DENTIER

Cet article est la propriété de la Fondation Paul Cuvelier.

[Doc.1]

   « En regardant la planche 49 ou plutôt les phylactères de la planche 49, je suis un peu comme Schliemann qui, du haut de la colline d’Hissarlik, contemple les ruines d’Ilion. Les couches successives des papiers collés et recollés selon les langues des textes sont autant de couches archéologiques qu’il nous faut déchiffrer.

   Dans les cases A1 et A2 par exemple les phylactères sont à une distance de quelques deux millimètres du bord de la case, mais on s’aperçoit que deux petites courbes agrandissent ces phylactères jusqu’à atteindre le bord même de ces cases. Or ces courbes sont dessinées à l’encre de chine….par un dessinateur du Lombard ? Je ne le crois pas. Ces traits sont de la main de Paul …. »

[Doc.2]
« …Si l’on regarde en détail, un trait de gouache blanche efface le début de la courbure des angles inférieurs des phylactères, ceci pour permettre de dessiner une autre courbure à l’encre de chine, courbure qui rejoint le bord de la case. On obtient deux phylactères qui ont deux bords inférieurs parallèles ou, si l’on veut, deux phylactères qui s’emboîtent !
   …Là où cela devient problématique est que la « version néerlandaise » (couche I) que j’ai sous les yeux est celle de la planche originale ! C’est à dire que le texte est écrit sur la planche elle même ! Par contre, aucune trace de la « version française » (couche II) qui aurait disparue sous d’autres couches…Partant du principe que la V.F. est antérieure à la V.N. , la lecture de la version du « Journal Tintin » peut elle éclairer notre lanterne ? Au fait ! Dans le Journal Tintin il existe aussi une version néerlandaise. Est elle différente ? Il existerait donc une couche III (Tintin V.F.) et une couche IV (Tintin V.N.) !
   Schliemann ! Au secours ! »

   Courriel de « hugues dentier à benoit boelens, copie jointe à philippe capart le 23/03/13 à 21:25 » échangé lors du chantier de l’édition des « Aventures Extraordinaires de Corentin Feldoé » par la Crypte Tonique.

Case restaurée

[1] L’exposition sur l’œuvre de Paul CUVELIER a eu lieu en la Salle du Conclave au Palais Rihour de LILLE du 12 au 21 février 1983. Elle était organisée par l’Association « Traditions de l’Inde » dont j’étais l’un des membres et le vernissage avait pris fin autour d’un concert de musique indienne (« Musique à la Cour de Sompur ») auquel participait le joueur de sarod, Krishnamurti SRIDHAR .